Rappel
Le passage à l’an 2000 fut l’occasion, lors du plus grand rassemblement de chefs d’États de l’Histoire, de lancer un programme d’actions concrètes pour atteindre huit objectifs clés d’ici 2015. Ce sont les fameux « OMD » : réduire l’extrême pauvreté et la faim, assurer l’éducation primaire pour tous, promouvoir l’égalité des sexes et l’autonomisation des femmes, réduire la mortalité infantile, améliorer la santé maternelle, combattre le VIH/sida, le paludisme et d’autres maladies, assurer un environnement durable et enfin mettre en place un partenariat mondial pour le développement. Aux deux tiers du parcours, un premier bilan d’étape peut être dressé. Les acteurs de sa mise en œuvre, comme Cécile Molinier, directrice du bureau de liaison de Genève au PNUD, commencent à envisager l’après 2015.
Succès et échecs
Des progrès fulgurants ont été enregistrés en Ethiopie, au Malawi, au Ghana. L’Egypte a considérablement réduit son taux de mortalité infantile et maternelle. Mais par ailleurs des échecs cuisants sont toujours constatés : 26 000 enfants de moins de 5 ans et plus de 1 300 femmes à l’accouchement meurent encore chaque jour. La crise économique mondiale, la volatilité et l’envolée des prix des matières premières ainsi que l’urbanisation sauvage entravent lourdement les efforts menés par tous les acteurs qui tentent d’atteindre ces objectifs. Peut-être que des erreurs initiales de conception de ces objectifs ont entravé leur mise en œuvre. Ainsi, la plupart des Objectifs du Millénaire définis en 2000, ne concernaient que les pays en voie de développement et en appelaient surtout à l’aide publique des États du Nord vers les États du Sud. Onze ans après, la problématique a été bouleversée : la distinction Nord – Sud ne tient plus, avec les pays émergents qui comptent désormais dans le concert des nations. La précarité et les inégalités augmentent aussi dans les pays du Nord. L’investissement dans des socles de protection sociale et sanitaire et l’accès à l’énergie des zones rurales et périurbaines les plus pauvres ont été initialement négligés et sont apparus comme une nécessité absolue. D’autre part, la forte montée en puissance du développement durable et de la protection de l’environnement, certes indispensables, ne doit pas se substituer aux autres volets de l’aide publique au développement. Mais l’essentiel est peut-être ailleurs, et notamment dans l’émergence, malgré ces contraintes, de dynamiques générant des actions concrètes et des résultats tangibles capables de transformer en profondeur les sociétés.
Associations de partenaires et nouveaux acteurs pour le développement
L’État n’est plus perçu comme le seul acteur de ces Objectifs et les sociétés civiles se sont organisées pour peser aux côtés des États : ONG et entreprises privées veulent compter dans la réalisation de ces Objectifs. Les partenariats entre autorités publiques (internationales, nationales, régionales et locales) et acteurs privés se développent fortement. Des méthodes efficaces sont apparues : les pays, dont tous les acteurs nationaux et locaux se sont appropriés la mise en œuvre de ces objectifs, avancent. La croissance économique, considérée encore comme le levier principal de la lutte contre la pauvreté, est redéfinie sur des bases plus humaines, sociales et écologiques : l’indice de développement humain du PNUD (qui prend en compte le PIB mais aussi l’espérance de vie et le taux de scolarisation) mériterait une meilleure fortune médiatique et politique. Là où les femmes et les filles sont valorisées, intégrées à l’éducation et à l’activité économique, ce sont tous les Objectifs du Millénaire qui avancent. Enfin, la mobilisation des ressources domestiques intérieures, avec des financements innovants comme le micro-crédit, avance grandement et constitue véritablement un nouveau chantier d’action pour des acteurs apparus récemment : entrepreneurs sociaux, partisans de l’économie sociale et solidaire, financeurs éthiques et solidaires sont les nouveaux héros (et hérauts) de ces Objectifs du millénaire.
Michel Taube
SR : Camille Dumas et Noemi Carrique